Dans une récente étude publiée dans la revue eLife, une équipe de chercheurs travaillant sur la drosophile et dirigée par le Dr Cédric Maurange à l’Institut de Biologie du Développement de Marseille (IBDM), a identifié un programme génétique opérant lors de la fabrication du cerveau, qui peut être détourné pour induire des tumeurs s’apparentant à des cancers pédiatriques, et régir leur hétérogénéité cellulaire.
Alors que les cancers cérébraux représentent moins de 2 % des cancers chez l’adulte, ils constituent environ 25 % de tous les cancers chez les enfants. Ainsi, le cerveau lors de sa fabrication apparait particulièrement sujet à la transformation cancéreuse. Toutefois, les raisons sous-jacentes ne sont pas encore clairement identifiées.
Chez le fœtus, lors de la fabrication du cerveau, les cellules souches et progéniteurs neuraux subissent des périodes de forte prolifération. Il a été observé que les cancers pédiatriques du système nerveux central sont souvent initiés pendant ces périodes très limitées de prolifération. Cependant, les causes de ces cancers et la manière dont ils sont régulés sont toujours très mal comprises.
La drosophile possède l’avantage d’avoir un cerveau dont la fabrication est beaucoup plus simple que chez les mammifères, et beaucoup mieux comprise. Notamment, ces dernières années a été identifié un programme génétique délimitant les fenêtres de temps pendant lesquelles les cellules souches neurales prolifèrent. Combinant des approches de génétique, séquençage de cellule unique et modélisation numérique, les chercheurs ont découvert que ce programme, dit de « spécification temporelle », est redéployé dans des tumeurs neurales induites lors du développement larvaire de la drosophile, un stade s’apparentant aux stades fœtaux chez les mammifères. Dans ces tumeurs, qui finissent par tuer la mouche adulte, les gènes de spécification temporelle structurent l’organisation cellulaire de la tumeur selon une hiérarchie finement contrôlée. Cette hiérarchie permet de créer une hétérogénéité parmi les cellules tumorales, en régulant notamment leur métabolisme et leur potentiel prolifératif. La conséquence est que la croissance tumorale est propagée indéfiniment par une petite population de cellules présentant un fort métabolisme, appelées cellules souches cancéreuses.
En identifiant les gènes responsables de cette organisation hiérarchique, et sachant que ces derniers sont conservés chez l’homme, cette étude ouvre la voie à une meilleure compréhension des mécanismes favorisant l’apparition et le maintien des cellules souches cancéreuses dans les cancers de l’enfant.
Pour en savoir plus :
Coopted temporal patterning governs cellular hierarchy, heterogeneity and metabolism in Drosophila neuroblast tumors.
Genovese S, Clement R, Gaultier C, Besse F, Narbonne-Reveau K, Daian F, Foppolo S, Luis N,M, Maurange C
Lien vers la publication : eLife 2019;8:e50375 . DOI: 10.7554/eLife.50375
Contact chercheur :
Cédric Maurange
Directeur de Recherche CNRS
cedric.maurange@univ-amu.fr
Port. : 06 09 89 15 16
Institut de Biologie du Développement de Marseille (IBDM), CNRS AMU
Case 907 – Parc Scientifique de Luminy
13288 Marseille Cedex 9 – France