Le Dr Frédéric Bard, directeur de recherche nouvellement recruté au CNRS, rejoint le Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM) cet automne pour y diriger l’équipe GLYNTERA (Glycosylation, Cellular Interfaces and Therapies group). Installé précédemment à Singapour, il poursuivra à Marseille ses travaux portant sur la régulation des interfaces entre la tumeur et son microenvironnement par la glycosylation des protéines.

Le Canceropôle lui souhaite la bienvenue dans la région.

Pouvez-vous nous en dire plus sur vos travaux et leur lien avec la cancérologie ?

Les travaux réalisés avec mon équipe basée à Singapour m’ont conduit à orienter mes recherches vers la cancérologie. En effet, nous avons observé qu’une réorganisation des enzymes de l’appareil de Golgi est fréquemment observée dans les tumeurs solides, conduisant à un changement de la glycosylation des protéines dans les cellules tumorales. Cette réorganisation est provoquée par l’action d’une voie de signalisation, nommée GALA (pour GALNT Activation).

Ce mécanisme est essentiel pour la croissance des tumeurs solides au sein du tissu sain environnant. Les cellules transformées sont en effet soumises à une contrainte spatiale forte due à leur inclusion au sein de matière composée de matrice extracellulaire et de cellules saines. Nos travaux montrent que la voie GALA active la capacité des cellules tumorales à détruire les fibres de matrice extracellulaire environnante, leur permettant ainsi de faire de la place pour la croissance de la tumeur au sein du tissu.

Qu’en est-il de vos projets à venir ?

Je souhaite développer deux volets de recherche complémentaires dans l’équipe à Marseille.

Le premier axe est un projet de recherche fondamentale poursuivant l’étude de la fonction de la glycosylation dans la croissance des tumeurs solides. Car les cellules tumorales sont contraintes non seulement par la matrice, mais également par la présence des cellules saines du tissu. Nos résultats démontrent que l’augmentation de la glycosylation dans les cellules tumorales agit aussi sur les cellules saines, induisant leur mort, pour créer de l’espace supplémentaire et accroître le volume de la tumeur. Nous allons nous intéresser aux bases moléculaires de ce phénomène, et identifier les protéines glycosylées impliquées. Pour cela, nous utiliserons des modèles murins mais aussi des organoïdes de cancer hépatique, ainsi que des techniques d’imagerie de pointe. Ce projet est soutenu par la Fondation ARC au travers d’une bourse « International Leaders in Oncology » et par une Chaire d’excellence AMIDEX de l’Université AMU.

Le deuxième axe concerne la valorisation de nos résultats montrant l’effet de la glycosylation sur la dégradation de la matrice extracellulaire. Nous avons identifié la calnexine (CNX) comme une des protéines dont la glycosylation est augmentée par la voie GALA dans les cellules tumorales. La CNX, initialement intracellulaire, se retrouve alors relocalisée à la surface de la cellule, ce qui permet la dégradation de la matrice environnante. Nous avons développé des anticorps spécifiques à la CNX permettant de bloquer ce mécanisme de dégadation. Ces travaux ont conduit au dépôt d’un ensemble de brevets relatifs à cette technologie ainsi qu’à la création d’une entreprise, Albatroz Therapeutics (http://www.albatroztherapeutics.com/). Je souhaite poursuivre le développement de la technologie pour identifier les meilleurs anticorps possibles, les améliorer et enfin pouvoir réaliser un essai clinique dans le futur.

Quelques mots sur votre implantation dans la région Sud ?

L’installation de mon équipe à Marseille s’inscrit tout à fait dans les thématiques scientifiques développées localement, sur le centre de recherche et dans la région, et mènera j’en suis sûr à des collaborations intéressantes. La proximité du centre (le CRCM) avec l’IPC facilite l’émergence d’une recherche translationnelle et clinique de qualité, un aspect important pour la réalisation de mes projets. Ma relocalisation me permet aussi de me rapprocher de certains de mes collaborateurs européens, ce qui facilitera les échanges de matériel biologique, comme par exemple avec le Centre de Glycomics de l’Université de Copenhague au Danemark où les profils de glycosylation sont analysés par spectrometrie de masse specialisée. J’espère aussi pouvoir faciliter les échanges entre les communautés de recherche régionales et singapouriennes. Enfin, la diversité des paysages et espaces naturels accessibles dans la région est un atout non négligeable !

Le Dr Bard est à la recherche de post-doctorants pour rejoindre son équipe à Marseille. Plus d’information sur le projet et les candidatures ici.