Le Dr Maeva Dufies, jeune chercheure nouvellement recrutée au CNRS, nous parle de son parcours et de son travail entre recherche académique et création de la start-up Roca Therapeutics. Installée à l’Institute for Research on Cancer and Aging, Nice (IRCAN) au Centre Antoine Lacassagne, elle développe ses projets dans l’équipe du Dr Gilles Pagès.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Depuis le début de mes projets de recherche (de ma thèse à mon post-doctorat), l’étude des mécanismes de résistance aux traitements en cancérologie et le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques, pour contrecarrer ces dernières, m’ont toujours fortement intéressée.

Après avoir effectué ma thèse intitulée « Caractérisation des mécanismes de résistance aux inhibiteurs de tyrosines kinases et nouvelles approches pharmacologiques, dans la Leucémie Myéloïde Chronique » dans l’équipe du Dr Auberger (C3M – INSERM U1065), j’ai rejoint l’équipe du Dr Gilles Pagès à l‘IRCAN afin de travailler sur les mécanismes associés aux rechutes sous traitements anti-angiogéniques (sunitinib) dans les cancers du rein.

Pourquoi avoir tenté l’aventure entrepreneuriale avec Roca Therapeutics en plus de votre nouveau poste en tant que chercheure au CNRS ?

Je travaille sur ce projet de recherche depuis 7 ans, main dans la main avec l’équipe de chimistes qui a développé des inhibiteurs pour les cibles que nous avions identifiées (CXCR1 et CXCR2). Ces inhibiteurs ont été protégés par la SATT Sud Est. Nous avons ensuite pu rejoindre l’incubateur PACA Est et avons été soutenus par l’Université Côte d’Azur qui a financé un poste d’ingénieur pendant un an pour aider à la maturation avant la création de la start-up Roca Therapeutics (en avril 2021). Enfin, nous avons signé une licence exclusive des brevets avec la SATT Sud Est et obtenu un financement de co-maturation ainsi qu’un EmA du Canceropôle Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Roca Therapeutics a également été lauréate du concours d’innovation nationale i-lab, et vient tout juste de réaliser sa première levée de fonds.

L’équipe fondatrice de Roca Therapeutics est pluridisciplinaire puisqu’elle est constituée de deux chimistes qui travaillent sur la/les molécules d’intérêts, Rachid Benhida et Cyril Ronco de l’Institut de Chimie de Nice (ICN), de deux biologistes, Gilles Pagès et moi-même de l’IRCAN, et d’un entrepreneur Zaki Sellam.

Mon implication dans l’aventure entrepreneuriale a ainsi été une suite logique à mes recherches. Pouvoir passer de la paillasse au patient (pour une première administration chez l’Homme) est à mon sens le rêve de beaucoup de chercheurs. En tout cas, c’est le mien !

Pourquoi avoir choisi de travailler sur le mélanome uvéal ?

Nous avons décidé de nous intéresser au mélanome uvéal car c’est un cancer en impasse thérapeutique (maladie rare avec un pronostic très défavorable). Notre but est d’améliorer la survie des patients et possiblement d’étendre l’utilisation de notre lead à d’autres cancers (rein, tête et cou) pour lesquels il pourrait être efficace, car les mêmes voies de signalisation sont impliquées.

Qu’en est-il de vos projets actuels ?

Afin de pouvoir continuer à mener de front mes 2 activités (de recherche académique et de Présidente-directrice scientifique de Roca Therapeutics), j’ai fait une demande de concours scientifique (à mon employeur afin de m’impliquer au sein de Roca Therapeutics qui valorise mes travaux de recherche).

Nous travaillons sur la caractérisation des effets de notre lead sur le microenvironnement tumoral. En effet, nous avons prouvé que ce dernier fonctionnait sur les cellules tumorales et sur l’angiogenèse (in vitro et in vivo). Nous étudions actuellement son impact sur les cellules immunitaires et notamment sur les macrophages et leur polarisation. Dans les mois à venir nous allons étudier la synergie entre notre lead et les immunothérapies. Nous continuons également d’améliorer la formulation et la pharmacocinétique de notre lead.

Ainsi, nous travaillons en parallèle sur la caractérisation de notre lead en recherche translationnelle et sur son développement (toxicité préclinique entre autres). L’ensemble de ces travaux de recherches et le développement de notre lead par la start-up sont étroitement liés et réalisables grâce à un contrat de collaboration avec le CNRS et surtout grâce à l’ensemble des personnes avec qui je travaille (aussi bien au labo que dans Roca Therapeutics) !

Qu’en est-il de vos projets à venir ?

Dans les 2 années à venir, Roca Therapeutics souhaite pouvoir initier un essai clinique de phase I/II chez les patients atteints de mélanome uvéal métastatique. Dans l’idéal cet essai se déroulerait au Centre Antoine Lacassagne avec qui nous collaborons très étroitement (Dr Lauris Gastaud, Dr Esma Saada).  

D’un point de vue personnel, je souhaite pouvoir continuer de mener à bien mes recherches sur les cancers du rein, cancers de la tête et du cou ; et sur le mélanome uvéal en développant ma petite équipe au sein de celle du groupe de Gilles Pagès tout en continuant à contribuer au développement de la start up.