Le Dr Xavier Morelli, directeur de Recherche au CNRS, président du Comité Scientifique du Canceropôle, développe ses projets de recherche au Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM). Co-responsable de l’équipe de Biologie Structurale et Chimie-Biologie intégrée (iSCB) et directeur de la plateforme de criblage à haut débit « HiTS » (IPC/CRCM), il nous parle de son parcours et de son travail entre recherche académique et valorisation de résultats de recherche.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?
Après des études en biophysique, je me suis spécialisé dans les interactions protéine-protéine. Suite à ma thèse, je suis parti en post-doctorat à la Harvard Medical School pour étudier la thrombose et l’hémostasie. Cette expérience m’a permis de baigner dans le milieu médical.

Autour de moi, la création de biotechnologies fleurissait, j’ai eu alors envie de créer et développer des molécules avec des activités ciblant des maladies spécifiques. Je suis rentré en France pour créer une société que j’ai dû quitter lorsque j’ai obtenu un poste au CNRS. Cette expérience m’a permis de me former à la valorisation et à la création d’entreprise.

Comment en êtes-vous arrivé à co-diriger une équipe au CRCM ?
J’ai décidé de travailler sur le développement de molécules bio-actives dans le but de créer un lien plus fort entre l’académique et l’industrie. J’ai choisi d’étudier les interactions protéine-protéine qui n’étaient pas un focus des industries pharmaceutiques car considérées trop risquées. Suite à l’obtention de données expérimentales intéressantes, je me suis rapproché de collègues dont les centres de recherche étaient plus étroitement associés aux hôpitaux et centres médicaux. Ainsi, en 2010, nous avons créé avec Yves Colette une équipe de recherche pluridisciplinaire qui compte aujourd’hui une vingtaine de personnes dont 7 chercheurs.es permanents.es spécialisés.es en biologie structurale, chimie médicinale, oncologie ou encore modélisation informatique.

Qu’en est-il de vos projets actuels ?
Nous avons trois projets majeurs en cours au sein de notre équipe.

Le premier, né d’une collaboration forte avec l’équipe de Patrice Dubreuil (CRCM), a reçu un co-financement de la SATT Sud-Est et un EmA du Canceropôle. Il vise à développer de nouvelles molécules pour combattre les leucémies aigües lymphoblastiques (T ou B). Nous avons travaillé sur les cibles secondaires de certaines molécules (imatinib et masitinib) et ainsi identifié une enzyme impliquée (deoxycytidine kinase) dans la prolifération des cellules cancéreuses. Cette enzyme joue un rôle dans la voie de sauvetage de production de nucléotides qui est essentielle.  Nous avons alors développé des molécules inhibitrices pour cette voie.
La molécule lead identifiée est 1000 fois plus puissante que le composé parent initial et permet, en combinaison avec la thymidine, inhibiteur physiologique de la ribonucleotide reductase, de doubler l’espérance de vie des souris dans un modèle de souris LAL-T humaines. Ce projet apporte une preuve de concept de l’intérêt du repositionnement de médicament vers la conception de nouvelles molécules en utilisant un outil propre à l’équipe (DOTS) qui permet de modifier fragment par fragment une molécule afin de la rendre plus active. Nous entrons actuellement en phase de recherche translationnelle pour étudier la capacité de notre molécule sur des prélèvements de patients en collaboration avec les Prs Norbert Vey (IPC) et Vahid Asnafi (Institut Necker).

Le second projet, plus en amont, concerne le développement de molécules en immuno-oncologie. Le succès des immunothérapies réside dans l’identification constante de nouvelles cibles et la combinaison de plusieurs immunothérapies. L’avantage des petites molécules est unique : administration plus souple, meilleure entrée dans les tissus, moins coûteux. Nous travaillons toujours sur les interactions protéine-protéine et plus particulièrement sur l’interaction entre SIRPalpha et CD47, qui a un rôle dans le contrôle de l’immunité innée et adaptative. Il existe des anticorps pour contrôler cette interaction mais ils entrainent des anémies. L’utilisation des petites molécules pourrait lever cette problématique. Plusieurs petites molécules ont été identifiées dans ce but et sont en cours d’optimisation. Ce projet, dirigé par le Dr. Thomas Miller dans notre équipe, réalisé en collaboration avec le Pr Daniel Olive et le Dr Jacques Nunès (CRCM) et une équipe du NIH, a été soutenu par la  Canceropôle via l’AAP Prématuration et la Fondation ARC.

Le dernier projet en est à ses débuts et bénéficie du soutien du Canceropôle via l’AAP Emergence. Suite à la création d’une chimiothèque unique au niveau national, nous souhaitons identifier de nouvelles molécules potentiellement capables de combattre la résistance aux traitements dans les leucémies (collaboration Dr Sarry – CRCT) et le cancer du sein (collaboration Drs Ginestier et Charaffe-Jauffret – CRCM). Nous avons mis en place un criblage innovant pour identifier des composés ayant une activité seule ou en combo avec des traitements existants. Les molécules qui (re)sensibilisent les cellules aux traitements et leur(s) cible(s) protéique(s) ainsi identifiées seront ensuite développées.