Suite à la publication de son étude « An AI-Powered Blood Test to Detect Cancer Using NanoDSF », François Devred, pharmacien, PhD, enseignant du service de Biophysique de la faculté de Pharmacie d’Aix-Marseille Université, et chercheur au sein de l’Institut de neurophysiopathologie (INP), revient sur la génèse de ce projet, les obstacles qu’il a pu rencontrer avec son équipe, les perspectives et les applications.
Comment est née cette étude visiblement très interdisciplinaire ?
F. D : « L’origine de cette étude remonte à juin 2015 au Séminaire annuel du Canceropôle, où nous étions venus présenter avec le Dr Philipp Tsvetkov l’offre de la Plateforme Interactome Timone (PINT). Lors de cet événement, j’ai fait la connaissance du Dr Emeline Tabouret du Service de Neuro-oncologie de la Timone, qui a cru à notre projet. Un an après, nous présentions à ce même séminaire nos premiers résultats montrant que nous étions capables de détecter la présence d’une tumeur cérébrale par une analyse du sang. Nous avions ainsi montré que des profils de dénaturation de plasma sanguin pouvait être des biomarqueurs. Ces résultats finalement publiés en 2018, bien que très encourageants, laissaient tout de même apparaître des limites inhérentes à la technique utilisée pour une utilisation en clinique. »
Comment avez-vous pu surmonter cet obstacle ?
F. D : « Comme souvent les progrès en médecine sont possibles grâce aux progrès en physique. En 2018, l’INP tout juste installé à la Faculté de Médecine, fut par sa plateforme PINT le premier laboratoire académique à se doter du Prometheus NT.Plex grâce à l’aide de la Région Sud. Nous avons eu l’idée de détourner de son usage originel cet instrument de recherche fondamentale pour suivre la dénaturation des plasmas sanguins. En plus d’être beaucoup plus rapide et plus facilement adaptable à la clinique, cet instrument nous a ainsi permis de d’obtenir 3 signaux optiques pour chaque échantillon de plasma. Nous avons alors fait appel aux spécialistes en intelligence artificielle du Laboratoire Informatique et Systèmes pour analyser ces signaux complexes qui constituent des profils caractéristiques. Les résultats de cette étude menée sur une cohorte de patients recrutés à Marseille et Paris montrent que grâce aux algorithmes actuels nous sommes capables de distinguer sans ambiguïté (92% de réussite) un individu sain d’un patient porteur d’un gliome. »
Et la suite ?
F. D : « Notre objectif est de montrer que cette approche fonctionne pour la plupart des cancers et que nous avons là de quoi mettre au point un test peu invasif (nécessitant une goutte de plasma), universel (le même test permettant de détecter plusieurs cancers différents) et rapide. L’objectif est maintenant de construire une base de données (ATLAS) associant à chaque cancer étudié ses profils de dénaturation de plasma caractéristiques, de façon à entraîner l’intelligence artificielle pour qu’elle puisse automatiquement distinguer un individu sain d’un malade. »
Maintenant que nous avons semble-t-il fait sauter les principaux verrous expérimentaux identifiés, seule la limite de l’accès aux échantillons plasmatique de cancers pose question. Plus l’accès aux biobanques existantes ou la constitution de nouvelles collections clinico-biologique sera possible plus notre ATLAS sera riche et notre approche puissante.
Quelles sont les applications attendues ?
F. D : « Disposer enfin d’un test peu invasif d’aide au diagnostic mais aussi de suivi de l’évolution de la maladie, qui fonctionne pour un grand nombre de cancers, permettra un meilleur suivi et peut-être une détection plus précoce de certains cancers. »