Chercheur CNRS récemment recruté et lauréat 2022 de l’appel à projet Emergence du Canceropôle, le Dr Geoffrey Guittard nous parle de son parcours et de ses projets de recherche centrés sur l’étude et le ciblage du système immunitaire dans le cadre de thérapies anti-cancer. Basé au CRCM, il développe ses projets dans l’équipe « Immunité & Cancer » dirigée par le Pr Daniel Olive et le Dr Jacques Nunès.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours ?

J’ai toujours travaillé sur le système immunitaire, m’intéressant depuis longtemps à la signalisation des cellules immunitaires et au développement de l’immunothérapie. Après une thèse sur l’activation des lymphocytes T réalisée au CRCM sous la direction du Dr Jacques Nunès, j’ai effectué 5 ans de post-doctorat dans un laboratoire du NIH aux USA, où j’ai travaillé sur la signalisation des lymphocytes T dans des modèles murins. J’ai ainsi pu identifier la protéine CISH – frein intracellulaire à l’activation des cellules immunitaires – comme cible thérapeutique potentielle en utilisant un modèle basé sur le transfert adoptif de lymphocytes T dans le traitement du mélanome.

Ces résultats prometteurs ont été suivis par le lancement de deux essais cliniques ciblant CISH dans les lymphocytes infiltrés au sein de la tumeur (en cours depuis 2018 et 2022 aux USA). Ce type d’immunothérapie basée sur l’utilisation de lymphocytes T modifiés par génie génétique étant peu développée en France à l’époque, j’ai saisi l’opportunité de rentrer pour mettre en place mes projets précliniques au CRCM en 2016. Depuis, mes recherches sont centrées sur le ciblage de la partie intracellulaire des points de contrôle immunitaires, en espérant pouvoir ainsi contribuer au développement de nouvelles solutions thérapeutiques et contourner les problématiques de résistance aux immunothérapies actuelles.

Après plusieurs années, mon travail a conduit à l’obtention de financements propres, et à mon recrutement au CNRS en 2022. Le financement Emergence alloué par le Canceropôle a été un tremplin pour mes projets et l’obtention de mon poste. Je souhaite ici souligner l’importance de l’environnement et de l’encadrement aux moments clés d’une carrière scientifique. En effet, j’ai eu la chance d’avoir le soutien des Dr Nunès et Pr Olive lors des différentes étapes de mon établissement en tant que chercheur, ainsi que de l’ensemble des membres de l’équipe et de beaucoup d’autres personnes au CRCM. Je retiens de ce parcours non linéaire qu’il est toujours important de s’accrocher, d’aller de l’avant et de s’adapter pour l’évolution de sa carrière !

Quels sont les projets que vous développez actuellement au CRCM ?

Mes projets s’inscrivent dans deux grands volets :

  • Le premier consiste à cibler spécifiquement CISH dans d’autres populations de cellules immunitaires cytotoxiques, dont les Natural Killers (cellules NK). Nous utilisons pour cela des approches complémentaires aux immunothérapies actuelles : le développement d’inhibiteurs spécifiques d’interaction protéines-protéines et une approche génétique basée sur la technologie d’édition du génome CRISPR. Le développement de modèles murins KO a permis de proposer CISH comme potentielle cible pour améliorer les immunothérapies utilisant les NK. Ce travail, réalisé avec Pierre-Louis Bernard, étudiant en thèse talentueux, a été publié récemment (Bernard P-L et al., J Immunother Cancer, 2022). Dans l’équipe, Sonia Pastor et Cathy Costa Da Silva sont également impliquées dans ce volet et travaillent respectivement sur les aspects techniques de la transduction des NK et l’analyse des lymphocytes T Ɣẟ.
  • Le second volet de mes recherches vise à identifier d’autres protéines impliquées dans le contrôle intracellulaire des points de contrôle immunitaires. Pour cela, nous avons tout d’abord développé une approche candidate réalisée par Vladimir Laletin, qui vient de soutenir sa thèse au laboratoire. Vladimir a également participé à la mise au point du transfert adoptif de lymphocytes CD8+ dans notre modèle murin ciblant spécifiquement le mélanome. En parallèle, nous avons lancé un projet de criblage en aveugle pour identifier de nouvelles protéines cibles, en collaboration avec la plateforme CRISPR Screen Action soutenue par le Canceropôle, qui a également financé cette partie de mon projet au travers de l’appel Emergence. Le principe est ici de cribler l’ensemble du génome de cellules NK ou de lymphocytes T Ɣẟ pour identifier des protéines cibles potentielles, dont le ciblage permettrait une activation efficace du système immunitaire pour agir sur la tumeur.

L’environnement scientifique dont je bénéficie au sein de l’équipe et du centre de recherche est tout à fait adapté et propice au développement de mes projets.

Quelles perspectives envisagez-vous à plus long terme ?

Si on parle de perspectives beaucoup plus larges, j’aimerais que les résultats obtenus suite à mes projets contribuent à l’amélioration des traitements développés en immunothérapie et à la lutte contre la résistance aux traitements. Il serait par exemple intéressant de pouvoir tester l’effet de traitements ciblant nos candidats en combinaison avec des inhibiteurs de checkpoint immunitaire, ou encore de développer des CAR-T cells dépourvues de CISH ou d’un autre candidat que nous aurons identifié. Le but ultime serait de pouvoir valoriser une molécule permettant de cibler CISH, ou nos autres candidats éventuels, et de pouvoir ainsi financer un essai clinique utilisant la technologie développée.

En parallèle de mes activités de recherche sur les différents projets évoqués, je m’intéresse beaucoup au développement de carrière et au soutien nécessaire aux jeunes chercheurs pour réussir à s’implanter en France. Dans cette optique, le Dr Fabienne Brenet et moi-même avons mis en place au CRCM une cellule d’aide pour les jeunes chercheurs souhaitant se présenter aux concours chercheurs CNRS et Inserm. L’objectif de cette cellule est d’aider les candidats à préparer leur candidature bien en amont, tant au niveau pratique ou rédactionnel que psychologique, afin de les rendre plus performants dans leur candidature.