Lauréat de la médaille de bronze CNRS 2023 dans la catégorie biologie du cancer, Raphaël Rapetti-Mauss, chargé de recherche CNRS au sein de l’équipe “Régulation des canaux ioniques dans le cancer” dirigée par Olivier Soriani à l’iBV à Nice, nous parle ici de son parcours scientifique et ses projets actuels et à venir.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?

Après une licence en biologie à Nice, j’ai effectué mon M1 de pharmacologie à l’Université de Strasbourg. Durant ces études, j’ai découvert et me suis beaucoup intéressé aux canaux ioniques, notamment dans un contexte physiologique à savoir en cardiologie et neurologie. L’année suivante, je suis retourné à Nice pour mon M2 au sein de l’équipe d’Olivier Soriani à l’iBV qui s’intéresse à l’exploration de ces canaux ioniques dans le cancer cette fois-ci. Par la suite, j’ai effectué ma thèse en cotutelle entre l’Université de Montpellier et la ‘National University of Ireland’ au sein du Royal College of Surgeons in Ireland (RCSI) à Dublin. Mon projet a été d’étudier l’effet de l’œstrogène sur le canal potassique KCNQ1 et plus particulièrement l’exploration du système de recyclage de potassium et le flux d’eau au sein de l’épithélium. 

Après la soutenance de ma thèse en 2013, j’ai réintégré l’équipe d’Olivier Soriani à l’iBV dans le cadre de mon postdoc et 4 ans plus tard, j’ai été recruté par le CNRS dans cette même équipe.

Quelles sont les thématiques de recherche au sein de votre équipe ?

Au sein de l’équipe, plusieurs thématiques sont étudiées autour de la physiopathologie des canaux ioniques. Un premier axe est l’étude de la Xérocytose héréditaire qui est responsable d’une forme d’anémie hémolytique causée par des mutations dans les canaux ioniques des globules rouges. L’objectif est de comprendre les altérations des canaux ioniques à l’origine des mutations chez les patients afin de mieux traiter cette maladie rare.

L’autre axe de recherche de l’équipe concerne le rôle joué par le récepteur SigmaR1, protéine chaperonne de plusieurs canaux ioniques, dans la biologie du cancer.  L’activation de SigmaR1 étant régulée par les éléments environnant les cellules tumorales telles que les CAFs ou la matrice extracellulaire, l’objectif est, dans ce contexte, de comprendre les voies de signalisation impliquées dans ce mécanisme de régulation dans les cellules tumorales et stromales du microenvironnement.

Durant mes années de post-doc, je me suis intéressé au rôle du canal potassique SK2 dans la communication intercellulaire entre les cellules du stroma, les CAFs et les cellules cancéreuses dans les métastases de cancers pancréatiques. Ces travaux, en collaboration avec l’équipe de Richard Tomasini au CRCM à Marseille, ont récemment été publiés dans le journal GUT (PMID: 36882214).

Quels sont vos projets actuels et à venir ?

Mes projets sont axés autour de la compréhension du rôle des canaux ioniques dans la signalisation cellulaire, dans un premier temps dans des modèles physiologiques notamment avec l’utilisation d’organoïdes et par la suite l’application dans des modèles cancers.

Une première approche est de comprendre le rôle de KCNQ1 dans la voie de signalisation

WNT-β-caténine suite à l’observation chez les patients atteints de cancers colorectaux agressifs d’une activation de cette cascade signalétique qui corrèle avec la diminution de l’expression de KCNQ1. Actuellement, une étudiante en thèse au sein de mon équipe travaille ainsi sur ce projet qui a été soutenu en 2019 par le Canceropôle grâce à l’appel à projet Emergence qui a permis de l’amorcer nous permettant par la suite d’obtenir d’autres financements notamment par l’ARC et plus récemment par l’INCa. 

Un deuxième axe de recherche qui découle de ce projet est de comprendre l’implication de ce canal ionique dans un autre mécanisme cellulaire important dans les cellules tumorales : la transition épithélio-mésenchymateuse ou EMT. En effet, une corrélation entre la faible expression de KCNQ1 et une activation du profil mésenchymateux a été reportée dans de nombreuses bases de données et notamment dans le cancer gastrique. L’objectif ici est de comprendre quelles sont les voies de signalisation impliquées dans ce système de régulation de l’EMT par ce canal potassique. Ce projet a lui aussi été financé par le Canceropôle par l’obtention de l’appel à projet Emergence en 2022. 

Quelles sont les perspectives de votre travail dans le domaine de la cancérologie ?

Les canaux potassiques sont impliqués dans la physiologie cardiovasculaire et jouent un rôle important au niveau cérébral et ne seront par conséquent pas des cibles directes mais leur expression est un bon marqueur prédictif pour la stratification des patients atteints de cancer. Cependant, nous avons espoir que l’étude approfondie de la biologie et des mécanismes de régulation de ces canaux ioniques permettra, à terme, le ciblage chimique de protéines ou récepteurs les régulant tels que le récepteur SigmaR1 par exemple. 

Pour finir, pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre obtention de la médaille de bronze CRNS 2023 ?

En effet, mon nom a été proposé par le Comité National et a récemment été retenu par le conseil d’administration du CNRS pour ma catégorie, à savoir Biologie du Cancer. Dans un parcours de chercheur, c’est un honneur d’obtenir ce type de distinction et d’avoir une reconnaissance pour le travail fourni donc c’est une récompense qui me fait évidemment très plaisir. 

Je tiens par cette même occasion à remercier le Canceropôle encore une fois pour son aide et son accompagnement, en particulier pour l’appel à projet Emergence qui joue un rôle très important pour les jeunes chercheurs juste après leur recrutement car ce type de support financier permet d’amorcer des projets qui peuvent ainsi bien démarrer et prétendre à de nombreux autres types d’aide au financement.

L’appel à projets « Emergence – Biologie & Santé » 2024 est actuellement ouvert jusqu’au 25 mai 2023 (pour le consulter, cliquez ici).

Pour plus d’informations, contacter l’équipe du Canceropôle : canceropole-paca@univ-amu.fr