Le Dr Sandrine Roulland (PharmD, PhD), Chargée de Recherche Inserm, co-dirige l’équipe « Instabilité génomique et hémopathies humaines » au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (CIML). Membre du Comité Scientifique du Canceropôle, elle occupe également le poste de Directrice adjointe Recherche de l’Institut Cancer et Immunologie (ICI).

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?
Suite à un cursus en pharmacie au cours duquel j’ai commencé à m’initier à la recherche dans le domaine de la cancérologie, je me suis orientée vers une thèse de sciences dans une équipe travaillant en épidémiologie moléculaire des cancers afin de détecter des biomarqueurs sanguins prédictifs du développement des lymphomes, un des cancers hématologiques les plus fréquents de l’adulte.

 

Afin de mieux comprendre comment des lymphocytes B normaux peuvent devenir tumoraux en acquérant des réarrangements chromosomiques spécifiques, j’ai rejoint pour mon post-doctorat l’équipe du Dr Bertrand Nadel au CIML qui s’intéressait également à la biologie du lymphome et à la lymphomagenèse.  Mon projet était de caractériser le phénotype des cellules porteuses d’anomalies chromosomiques précoces à l’origine du lymphome folliculaire et comment ces cellules pouvaient progresser en tumeurs chez des individus ‘sains’ asymptomatiques. Nous avons ainsi pu montrer que ces cellules chez l’individu sain étaient de réels précurseurs du lymphome et avons fait le lien entre la fréquence de ces cellules et l’exposition environnementale aux pesticides et plus globalement montré l’impact de stimulations antigéniques chroniques dans la progression tumorale.

Comment en êtes-vous arrivé à diriger une équipe au CIML ?
Sur la base de notre projet de compréhension de la lymphomagenèse précoce en amont du développement de la pathologie, j’ai été recrutée à l’Inserm en 2008. J’ai poursuivi cet axe de recherche sur la lymphomagénèse en étudiant notamment la dynamique des lymphocytes B lors de la réponse immune physiologique et comment cette dynamique est perturbée par certaines mutations géniques retrouvées dans les lymphomes à la fois dans des modèles animaux et chez l’Homme. En 2015, j’ai souhaité intégrer plus de génomique fonctionnelle à mes projets de recherche et notamment les outils de criblage CRISPR qui commençaient à émerger afin d’étudier les dépendances oncogéniques dans les lymphomes. Grâce à une bourse européenne (Marie Curie fellowship), j’ai rejoint le groupe de L. Staudt au National Cancer Institute (National Institutes of Health) où j’ai pu m’initier et développer cette expertise pendant 2 ans. A mon retour en 2018, j’ai été recrutée chef d’équipe au CIML et pris la co-direction de l’équipe aux cotés de Bertrand Nadel.

Quelle est la particularité de votre équipe ?
Notre équipe a beaucoup évolué ces 5 dernières années et compte aujourd’hui 19 personnes constituant une équipe pluridisciplinaire avec des biologistes, des cliniciens et des bio-informaticiens. Cette évolution était primordiale pour permettre le développement des approches génomiques haut-débit comme les criblages CRISPR, l’analyse génomique à l’échelle de la cellule unique et de valoriser au mieux l’analyse de ces données complexes dans nos différents modèles d’études humains et murins et ainsi mieux appréhender l’hétérogénéité des lymphomes pour une meilleure prise en charge thérapeutique future.

Qu’en est-il de vos projets actuels ?
Nous poursuivons 3 axes majeurs de recherche.

Le premier consiste à comprendre la génétique des cellules précurseurs du lymphome, l’impact fonctionnel de ces altérations épigénétiques dans la progression et en quoi cette connaissance peut nous permettre de cibler ces cellules plus précocement chez les patients et éviter la survenue de la maladie ou les rechutes.

La seconde thématique porte sur la compréhension des vulnérabilités oncogéniques des lymphomes grâce aux outils de criblage CRISPR dans le but d’améliorer les futures thérapies et de mieux comprendre les résistances aux thérapies ciblées.

Enfin, le projet ATLAS vise à étudier l’hétérogénéité tumorale des lymphomes B et de leur plasticité en lien avec leur microenvironnement immunitaire par un analyse multimodale à l’échelle de la cellule unique afin de mieux comprendre les mécanismes biologiques contribuant à la transformation tumorale, à la rechute et à la résistance thérapeutique et d’identifier des biomarqueurs de risque. Le Canceropôle a été un partenaire précoce de ce projet en permettant d’en montrer la faisabilité et d’initier un partenariat durable avec la compagnie pharmaceutique Celgene/BMS.

Qu’en est-il de votre implication dans la recherche en cancérologie dans la région ?
J’ai pu mettre au service de la communauté de la région mon expertise en terme de criblage génétique grâce à la mise en place de l’action structurante CRISPR Screen, soutenue par le Canceropôle depuis 2019. En effet, avec les Dr Bernard Mari (IPMC), Salvatore Spicuglia (TAGC) et Els Verhoeyen (C3M), nous avons pu réunir nos différentes compétences au travers d’une plateforme afin de déployer la technologie CRISPR et ainsi permettre et aider différentes équipes dans sa mise en oeuvre.

Je fais également partie du Comité Scientifique du Canceropôle qui participe à la réflexion sur la stratégie de soutien à la recherche en cancérologie au niveau régional et établit des propositions d’actions et de financements.