Sarah Calvin, Maître de Conférence, dirige les projets de recherche du laboratoire Management Sport Cancer (MSC), installé sur le campus de Luminy à Marseille. L’équipe du Canceropôle l’a rencontrée pour échanger sur son parcours et les projets de recherche menés au sein du laboratoire MSC.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours?
Après l’obtention d’un doctorat en neurosciences, j’ai été recrutée en tant qu’enseignant-chercheur en sciences du sport et ai développé des projets basés sur le contrôle du mouvement. En parallèle, j’œuvrais en qualité de responsable de la formation continue dans la mise en place d’un pôle universitaire de reconversion des sportifs de haut niveau.

Les divers aspects liés à l’accompagnement personnalisé m’ont beaucoup intéressée, et cette expérience est à l’origine de mon changement thématique, et de mon intérêt pour les projets d’accompagnement sport/cancer.

S’en est suivie la création d’un laboratoire sur la gouvernance sportive et le sport de haut niveau, dirigé par le Pr Pierre Dantin, au sein duquel j’ai été chargée de développer la recherche sur les aspects psycho-sociaux de la performance sportive, notamment sur les relations entraineur/entrainé et le maintien de la motivation. La problématique était de comprendre et modéliser les aspects de leadership et le fonctionnement des coachs nationaux performants, dans le contexte particulier de la haute performance sportive. Ces travaux ont montré que dans ce contexte, l’encadrement ou le coaching de la performance des athlètes de haut niveau nécessitait, de la part du coach, des compétences relationnelles adaptées avec un aspect psycho-social important.

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à la recherche en cancérologie ?
L’idée d’associer sport et cancer dans nos recherches est venue de la rencontre fortuite entre les Pr Pierre Dantin, Patrice Viens (alors directeur de l’IPC) et Didier Blaise (onco-hématologue à l’IPC), qui ont pu échanger sur l’accompagnement post-traitement des patients en onco-hématologie. Ces patients, en particulier ceux ayant suivi un protocole de greffe, développent des problèmes d’anxiété, de sociabilisation et une peur de la récidive, et doivent également gérer à leur retour au domicile leur sécurité sanitaire et alimentaire ainsi que les effets secondaires. De cette constatation est née l’idée de développer une intervention pour les patients basée sur les résultats de nos recherches dans le domaine sportif. Intervention qui serait centrée sur la remobilisation des patients autour de la réalisation de projets ayant du sens pour eux.

Dans ce contexte, quel projet avez-vous développé ?
Nous avons monté une proposition d’intervention appelée « Onco-coaching ». Une étude pilote a été réalisée sur 32 patients à 6 mois post-greffe pour tester la faisabilité du dispositif. Les patients ont bénéficié d’un accompagnement personnalisé basé sur des entretiens individuels, hors hôpital et en contexte sportif perçu positivement (faculté des sciences du sport). En effet, si les patients en oncologie manifestent un besoin d’être accompagnés après traitement, peu d’entre eux sollicitent une aide psychologique. Ce paradoxe s’explique en partie par la peur de parler de difficultés psychologiques, d’où l’importance de trouver un moyen de réaliser un accompagnement qui répond à leurs besoins. La faisabilité et l’efficacité de l’onco-coaching ont été évaluées avec des outils complémentaires, dont l’utilisation de questionnaires mesurant une signature de rétablissement (motivation, bien-être, espoir, …), et l’analyse des mécanismes d’obtention des résultats en vue d’améliorer le coaching. Les résultats de l’étude ont été très encourageants : les patients manifestent leur bien-être et se réengagent dans des actions de vie suite au coaching. Ils ont d’ailleurs suggéré d’intervenir plus précocement dans leur parcours.

A présent nous allons évaluer l’efficacité du programme par un essai randomisé et contrôlé totalement, financé par l’INCa. L’étude concernera plus de de 100 patients à 100 jours post-greffe. Nous allons évaluer l’impact du programme sur la qualité de vie de ces patients.

Quels sont les autres projets en cours ou futurs au laboratoire ?
Nous avons d’autres projets en cours ou à venir autour de l’accompagnement des patients en oncologie. Les interventions utilisent de façon combinée l’onco-coaching et autres soins de support, l’Activité Physique Adaptée (APA), dont les bienfaits (physique et psychologique) sont bien connus maintenant en cancérologie.

L’APA permet des résultats de santé positifs et peut potentialiser l’efficacité des thérapies médicales en améliorant la tolérance et en facilitant l’adhésion aux traitements programmés mais également en réduisant leur toxicité. En cela, elle peut avoir un impact positif sur la fatigue, les effets secondaires et la récupération. Nous testons l’hypothèse selon laquelle la relation de coaching dans l’APA supervisée peut catalyser son efficience et améliorer non seulement l’efficacité des soins mais également la qualité de vie des patients. Ces hypothèses sont testées auprès de patients en cours de traitement ou après traitement.

Enfin, la personnalisation de l’accompagnement psycho-social nécessite de répondre aux besoins spécifiques de chacun qui ne manquent de changer pendant toute l’expérience de la maladie. Savoir évaluer ces besoins avec des outils dédiés et validés est donc primordial. C’est un autre volet de nos activités de recherche qui est centré sur une population particulière les Adolescents et Jeunes Adultes (AjAs) dont les besoins spécifiques nécessitent des prises en charge psycho-sociales adaptées. La question de la qualité de vie des AJAs atteints de cancer constitue d’ailleurs un axe de développement de la nouvelle stratégie décennale de lutte contre les cancers de l’Institut National du Cancer (INCa, 2021)

Au vu de votre activité, le laboratoire doit avoir une composante pluridisciplinaire importante. Comment votre équipe est-elle organisée ?
Nous avons en effet un laboratoire mixte, avec une co-gouvernance oncologie/sport assurée par notre directeur Patrice Viens (PU-PH cancérologie) et co-directeur Pierre Dantin (PU à la faculté des sciences du sport). Les membres de l’équipe réunissent plusieurs corps de métier et expertises: médecins dont cliniciens de l’IPC, psycho-sociologues du sport. Nos recherches sont financées par l’INCa, A*MIDEX, la région SUD, mais aussi par des fonds privés de partenaires intéressés par les activités de recherche de transfert.

Les patients ont une place importante dans vos recherches. Comment sont-ils intégrés à votre activité ?
En effet, la place du patient est cruciale pour nous, et ils sont intégrés dans notre équipe de recherche. Deux patients sont membres du board scientifique du laboratoire, et sont impliqués dans la construction des protocoles de recherche, l’analyse des résultats et leurs diffusions également. Nous sommes complètement attachés à cette démarche de recherche participative. La recherche interventionnelle en oncologie ne peut se passer de leur savoir et expériences.

Pour plus d’information sur les projets du Dr Calvin et de son équipe, visitez le site Internet du laboratoire MSC : https://www.laboratoire-msc.fr/