A l’occasion d’Octobre Rose, mois de sensibilisation au dépistage du cancer du sein, nous avons souhaité donner la parole à Lénaïg Jestin qui raconte dans son livre « La Petite Boule » son combat contre la maladie mais pas seulement.

Bonjour Lénaïg, pouvez-vous nous raconter brièvement votre histoire ?

Un samedi matin, je reçois un appel téléphonique de ma mère qui m’apprend que ma cousine qui allait fêter ses 30 ans le soir même avait un cancer du sein et allait commencer une chimiothérapie. Cette nouvelle m’incite à faire un check. Je décide donc d’effectuer, sous ma douche, une autopalpation comme préconisée dans les campagnes de sensibilisation. Et là en levant le bras je sens une boule, sensation confirmée par un simple « Oula » de l’échographe et une mammographie. S’ensuivit une attente interminable d’un mois entre l’échographie et le résultat de la biopsie qui a attesté du caractère cancéreux de ma « petite boule ».

Je suis officiellement diagnostiquée d’un cancer du sein triple négatif en 2014. J’avais 35 ans.

Comment vous est venue l’idée d’écrire ce livre ? Et comment le considérez-vous ?

Lors de mon hospitalisation, j’ai demandé à voir quelqu’un pour essayer de parler de ma situation sans trop savoir quoi dire d’ailleurs. Très affaiblie par la chimiothérapie, je vois débarquer une psychologue dans ma chambre. A cet instant, je me retrouve devant quelqu’un qui me demande assez froidement ce que j’ai. Et du coup, ce manque de chaleur, d’humanité a eu l’effet inverse. Je n’ai rien pu dire et suis restée avec toutes mes interrogations sans réponse.

Durant cette période où les rendez-vous avec les médecins se sont enchainés, je me suis sentie seule, désemparée. Au bout d’un moment, le besoin d’expliquer ce que je vivais au quotidien était nécessaire.

J’ai donc fait appel à ma formation de graphiste, et encouragée par mon entourage, j’ai commencé à dessiner mon histoire. D’abord sur les réseaux sociaux puis suite à un certain nombre de retours sur cette initiative, j’ai décidé de faire ce livre en autoédition via une campagne de crowdfunding afin que cet ouvrage exprime totalement ce que je voulais faire de ce cancer.

Ce livre a rendu mon cancer utile. En effet, j’ai reçu beaucoup de messages de femmes touchées par la maladie, d’accompagnants me remerciant pour ce livre qui faisait du bien. Mais aussi de soignants qui l’utilisent comme support dans le dispositif d’annonce pour aider dans l’appréhension du cancer du sein. Il traite de manière un peu légère des étapes par lesquelles on va passer. Il fait rire et pleurer à la fois. Pour utiliser un mot à la mode, c’est ma résilience graphique.

Comment vous décririez-vous aujourd’hui : une survivante, une combattante, une artiste…?

Pour remercier les personnes qui avaient participé au financement du livre, j’ai fait fabriquer des sacs avec écrit dessus « Battante ». Je ne sais pas si c’est mon caractère mais c’est ce que tout le monde disait de moi. Mais c’est aussi un terme qui revenait tout le temps. Quand je suis tombée malade, on me disait qu’il fallait se battre. Ok je suis une battante mais ce mot me terrifiait parce que je ne savais pas comment me battre contre ce cancer ?

Pour comprendre, j’ai eu besoin de visualiser.  J’ai alors fait un parallèle avec un match de boxe. J’ai posé la question à mon oncologue. Contre qui je me bats ? Un poids coq, poids lourd ? Elle m’a répondu contre Mohamed Ali. Petit coup de massue car ce n’est pas le premier venu. Et elle rajoute mais vous ne vous battez pas toute seule. On est à vos côtés.

Très bien mais concrètement ?  Et bien il faut continuer à vivre normalement, continuer la vie associative et mes différents engagements. A partir de là j’ai enfilé les gants. Si c’est juste vivre normalement alors je peux gagner contre ce Mohamed Ali.

Mais je pense que je suis aussi une survivante, une résiliente.

De quelle manière vous impliquez-vous aujourd’hui dans la lutte contre les cancers du sein ?

Je suis engagée dans les campagnes de prévention et de sensibilisation, et notamment celle à l’autopalpation car sans cela je ne serais peut-être plus là, via des interventions dans des hôpitaux et des associations. Cet engagement est forcément plus important pendant Octobre Rose mais il est présent aussi tout au long de l’année.

Je fais également des expositions pour partager mon expérience et reverse 10% des bénéfices du livre à La Ligue contre le cancer.

A côté j’aide à faire connaître l’association Symbiose qui fait un travail formidable au niveau du département des Côtes d’Armor. En effet, je suis localisée à Saint-Brieuc et il faut savoir que cette ville est la plus petite capitale départementale de la région Bretagne donc moins de moyens dans les hôpitaux, moins d’associations, moins de suivi sur le bien-être des femmes malades. Pour y remédier, cette association, créée par deux patientes partenaires et un médecin, a pour vocation de faciliter l’accès aux soins oncologiques de support. Ces soins visent à assurer la meilleure qualité de vie possible aux femmes et proches aidants sur le plan physique, psychologique et social en prenant en compte la diversité de leurs besoins. Ils sont essentiels.

Je partage mon expérience dès que l’on m’y invite ; par exemple, j’interagis avec les soignants pour les sensibiliser à l’impact que peut avoir une mauvaise communication lors de l’annonce de la maladie ou pendant le parcours de soin.

Le Canceropôle soutient les équipes de recherche impliquée dans la lutte contre les cancers. Avez-vous eu des interactions avec certaines d’entre elles ?

Non je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer des chercheurs en cancérologie mais ce serait intéressant car je crois aux vertus de l’intelligence collective. Nous ne sommes pas formatés de la même façon au niveau de la pensée et des connaissances. Je pense que la transversalité est une richesse dans tous les domaines.

Pour commander le livre, cliquez ici

Nous aurons le plaisir d’accueillir Lénaïg Jestin lors de notre prochain événement grand public « Parle-moi… » qui se tiendra en début d’année 2024.

Plus d’informations très prochainement